Aujourd'hui, dernier jour en Iran. Mais les découvertes ne sont pas terminées... Sur la route de Téhéran, nous devons nous arrêter à Kashan, la ville aux roses.

Le départ se fait à 8H30. M. "Nasir", notre chauffeur, est ponctuel, et s'engage dans la circulation d'Ispahan, bien plus calme le matin que le soir !

Le temps est gris et frais. Au bout d'1H30 de route (paysage de désert et de montagnes), nous quittons l'autoroute pour la petite ville de Natanz, et sa "mosquée Masjed e Jameh". Pas de guide pour la visite, M "Nassir" ne parlant pas 2 mots d'anglais. On se rabat sur le Lonely Planet : "avec ses 4 iwans, la mosquée est l'un des édifices les mieux préservés de toute l'ère ilkanide. Le tombeau abrite la dépouille d'un religieux soufi du XIème siècle". L'édifice intérieur est assez décrépi, avec très peu de céramique et un peu de stuc. Mais l'extérieur est magnifique, tant la coupole que le minaret. Malheureusement,le temps couvert gâche un peu les photos... Un jeune du coin nous montre des photos de sa famille, en pleine récolte du safran.

M Nasir est maintenant tellement en confiance avec nous qu'il nous montre une photo de sa petite fille. Plus tard, notre guide du jour, Kazar, nous expliquera qu'i élève seul sa fille - avec l'aide de sa mère (à lui) - son ex femme l'ayant quitté au bout d'un an de mariage.. A priori le divorce est relativement répandu en Iran, d'autant que les hommes versent une somme d'argent à leur future femme (certaines ont donc trouvé là le moyen de se constituer un petit capital, en enchaînant les mariages). Nous sommes bien tristes pour notre chauffeur qui, certes, n'est pas bavard, mais qui est bien sumpa quand même.

A peu près 1H après, nous arrivons à Kashan, la ville aux roses (c'est un important centre de production d'eau de rose), mais nous n'en verrons pas dans les jardins car même si on est au sud, on est quand même un peu tôt dans la saison. On récupère notre guide, Kazar, petite femme d'une quarantaine d'années, au bord de la route, et c'est parti pour la visite du jardin de Fin...

Faisons appel à notre ami "Lonely Planet" pour la présentation de ce jardin : "conçu pour le shah Abbas 1er au14ème siècle, ce jardin déliciaux qui se trouve à 9km du centre ville, et qui est inscrit au patrimoine mondial, illustre la conception persane du paradis". Au milieu d'une nature aride, c'est un jardin parsemé de petits canaux et bassins alimentés par l'eau de la montagne toute proche. Contrairement aux bassins d'Ispahan, ici il y a de l'eau, et il y a même des jets d'eau et des poissons ...Il y a aussi plusieurs pavillons, pour l'accueil des invités, et un hammam ; de nombreux arbres et quelques fleurs. En ce vendredi, beaucoup d'iraniens font la visite, même si le temps est plutôt gris et frais (pour ne pas dire froid...).

Kasar nous explique qu'elle est prof de français à l'université, et que certains de ses étudiants aimeraient bien se joindre à nous pour une partie de la journée, ce qui leur permettrait de pratiquer leur français. Elle nous demande notre accord, ce que l'on s'empresse de lui donner, bien sûr !

Kazar nous explique pourquoi les portes sont basses (= pour obliger les invités à se courber, en signe de respect du maître des lieux), et pourquoi il y a une planche de bois qu'il faut enjamber avant de pénétrer dans les pavillons (= pour éviter que les invités ne rentrent avec leurs chaussures et salissent les tapis).

Elle nous donne également des explications sur les peintures figurant sur le plafond d'une des terrasses : il s'agit d'illustrations de plusieurs contes persans. Par exemple, l'un d'entre eux relate l'histoire d'une femme de 40 ans amoureuse d'un homme de 20 ans, à la "belle figure". Ses amies s'étonnaient de cet amour, mais sans connaître le type en question. Notre "cougar" réunit ses amies, leur fait porter des pommes à éplucher, et fait entrer son "bellâtre". Aussitôt, toutes ces quarantenaires, subjuguées par la beauté du gars, se coupent les doigts en épluchant leur pomme. CQFD... :)

Kazar nous entraîne ensuite dans la pavillon pour lequel arrive l'eau de la montagne, qui se trouve être un salon de thé. Du coup, on en boit un (de thé), accompagné de petits gâteaux à la pistache. Un peu sablonneux mais pas mauvais. Là aussi, beaucoup de familles iraniennes qui profitent de leur repos hebdomadaire. La musique est à fond... Il y a des poissons et même 2 canards.

En longeant un petit canal, nous arrivons jusqu'au hammam, seul du genre avec une entrée unique pour les hommes et les femmes. Ici, il y a longtemps, Amir Kabir, 1er ministre à la fin du 19ème siècle, a été assassiné par son beau frère. Selon le LP, "Amir Kabir était un moderniste à l'origine de nombreux changements, surtout dans le domaine de l'administration et de l'éducation. La cour prit ombrage de sa popularité, et la mère du shah persuada le souverain de s'en débarrasser". De ce qu'on a compris, il a eu les veines du poignet tranchées dans le hammam. On visite les vestiaires, les couloirs (nombreux...), les chaufferies (là où était chauffée l'eau), le lieu de stockage du bois, et enfin les salles de bain, avec un mini bassn au milieu. Kazar nous explique que les hammams sont, certes, des lieux de propreté, mais aussi et surtout des lieux de rencontres et de discussion. Ils ont toujours cette utilité aujourd'hui, chaque quartier en possède un. Kazar nous dit que quand elle était enfant, sa mère l'emmenait passer la journée au hammam avec ses frères et soeurs. Ils y pique niquaient, jouaient, retrouvaient des amis.... Nous aussi, on y trouve des amis (enfin, des nouveaux amis), qui nous prennent en photo dans le hammam. Ce sont 3 jeunes couples, dont 1 habite à Kashan, et les 2 autres sont venus lui rendre visite (on croit comprendre qu'ils viennent de Téhéran, et qu'ils ont un appartement près de la mer Caspienne, où ils nous invitent à passer... taroaf, très certainement !). J'essaie de les prendre en photo mais aussitôt une des filles se détournent et tous s'en vont en riant. Kazar me dit que les filles sont habillées de façon pas très "orthodoxe" (le voile notamment est un peu "symbolique"), et elles n'ont pas envie d'être photographiées dans cette tenue... ce qui ne nous empêche pas de les retrouver à la sortie du hammam, et de leur demander de nous prendre en photo, avec notre appareil.

Le repas de midi se passe dans un restaurant assez touristique, avec buffet (frites et pâtes ... c'est la 1ère fois qu'il n'y a pas que du riz !), et groupes d'asiatiques et d'européens. 

Nous discutons avec Kazar de sa famille : elle a 2 filles, de 14 et 18 ans. La plus grande prépare le concours d'entrée à l'université. Elle voudrait être dentiste. Son mari est ingénieur (mais on ne sait pas dans quel domaine). Kazar a appris le français car elle l'a suivi, au début de son mariage, à Toulouse, où il a poursuivi des études d'ingénieur. Ils y sont restés quelques années et sa fille aînée est née là bas. Au début c'était très dur pour Kazar, dans un appartement de 36 m2 (ce qui lui semble minuscule), sans ami, ne parlant pas la langue ... Elle dit avoir beaucoup pleuré... mais elle a tout autant pleuré quand elle a quitté la France pour regagner l'Iran (au début des années 2000, suite à l'attentat du 11 septembre, la France a mis fin à certains accords universitaires, son mari a du interrompre ses études et rentrer au pays) ! Elle se plaint de ses 2 filles ados, dont la principale activité est de rester dans leurs chambres en pianiotant sur leurs smartphones. Selon elle, les filles iraniennes ne savent plus faire la cuisine ni le ménage, ce qui ne serait pas le cas des garçons. Kazar est téhérannaise. Elle a eu du mal à s'habituer à Kashan, lorsqu'avec son mari ils sont revenue de Toulouse. Maintenant elle est contente d'habiter là, elle trouve qu'il y a moins de danger pour ses filles ici qu'à Téhéran ; ses filles d'ailleurs ne veulent pas partir à Téhéran, et préfèrent rester à Kashan même si l'université est moins prestigieuse.

Après le repas (nous quittons le restaurant sous une pluie battante), Kazar nous entraîne dans une maison de vieux Kashan, qui appartient à l'université / section beaux arts. Il s'y trouve un musée de la photographie, tenu par un prof passionné, qui nous présente à la fois des vieux appareils photos exposés là, et des photos anciennes représentant des habitants de la ville. On y apprend que l'inventeur de la photographie est un français nommé Louis Daguerre (je crois me souvenir qu'un exemplaire de son appareil, le "daguerrotype", est exposé dans ce petit musée), même si selon wikipédia que nous consulteront plus tard, le véritable inventeur est un certain Niepce (également un français). Les photos présentées sont intéressantes : on y apprend qu'il y a une centaine d'années, beaucoup d'ethnies et de religions différentes se cotoyaient à Kashan, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. On découvre avec surprise que les petites filles photographiées sont en fait des garçons équipés de perruques opulentes. Il s'avère que les iraniens aiment beaucoup avoir des filles et qu'ils déguisaient de la sorte leurs garçons, au moment de la photo (bizarre, non ?). Enfin, on voit certaines femmes les yeux fermés, la tête totalement recouverte par un voile ou même la tête coupée (sur la photo, pas en vrai !).

On voit également que le roi de l'époque était un fan de photo, et qu'il a photographié lui même toute sa famille (et même lui, en selfie ... à l'époque on appelait cela un auto portrait).

Entretemps, un des étudiants de Kazar nous a rejoint, et nous mitraille avec le smartphone de sa prof. Ilapprend le français depuis environ 1 an, et il a du mal à faire une phrase (ce serait pareil pour nous si on devait se mettre au farsi ...). Il nous dit qu'il fait des études de droit, qu'une 2ème langue (avec l'anglais), est obligatoire, et qu'il envisage d'être avocat ou juge.

Un thé nous est servi, puis on quitte les lieux - en faisant un passage par les salles consacrées à l'apprentissage des trames de tapis (et oui, à la fac des beaux artes, ils apprennent à faire des tapis... ce n'est peut être pas si bête quand on voit les superbes maisons des marchands de tapis de Kashans !).

Notre 3ème visite de la journée est pour la maison Tabatabaee, du nom d'un riche marchand qui, pour épouser sa belle, lui fit construire une maison magnifique ... ou plutôt un palais (la construction prit 18 ans, et le mariage eut lieu après, heureusement pour lui qu'elle était patiente !). Un 2ème étudiant de Kazar nous rejoint dans ce palais, celui là apprend le français depuis 5 ans et le parle très bien. A l'en croire, il a pris des cours pendant 1 an et demi, puis il a continué seul notamment en regardant des films français. On ne peut que le féliciter du résultat ! Kazar lui confie même des parties de la visite guidée, et il s'en sort très bien.

On visite donc les chambres à 3 portes (pour la famille de la maison), à 5 portes (pour le maître de maison), à 7 portes (pour les invités de marque) ; les chambres pour l'été (exposées au Nord) et pour l'hiver (exposées au Sud) ; la cuisine (avec évier et four à pain) ; la cour des domestiques .... chaque étage relié aux autres par des "escaliers de souris" (= très très hautes marches) pour économiser de la place (franchement, quand on voit la taille du palais, on se dit qu'ils auraient pu trouver une autre excuse pour ces espèces d'échelles de meunier), ou parfois par des escaliers normaux (réservés aux personnes âgées, donc on n'a pas osé les prendre...).

En sortant, Kazar nous propose d'aller visiter un atelier de tissage de tissu, non loin de là. On y va à pied, la porte - dans un mur en pisé - s'ouvre sur un escalier qui descend en sous sol, où nous découvrons dans une cave mal éclairée, un tisserand âgé et quelques métiers à tisser. Après une petite démonstration, DVGO et moi achetons chacun une écharpe. Le tissu est très beau et le papy est ravi de notre visite (surtout que DVGO lui laisse la monnaie....).

Après tout ça, Kazar nous demande de choisir entre 1 mosquée et 1 autre maison ancienne ; mais M Nasir ne l'entend pas de cette oreille : il est plus de 16H et il fauut partir pour pouoir passer le check point (sur la route qui nous sépare de Téhéran) avant sa fermeture. Il nous reste environ 2H30 de route. 2 controles de police plus tard, M Nasir nous débarque à l'hôtel Ibis de l'aéroport de Téhéran. Il fait nuit, il doit être environ 19H. Demain on prend l'avion à 5H15, et donc on doit se lever à 2H30. Le repas est vite expédié (pâtes et pizza), et on rejoint notre chambre (luxueuse avec télé).